Des humeurs, des images en fonction du quotidien, des événements, des voyages, des lectures ou des scènes de ménage ! Le Olympie world ... !
Je ne résiste pas à vous livrer ce bel article pédagogique essentiel pour notre confort au présent et pour préserver votre avenir. L'essayer c'est l'adopter qu'il disait, euh ... non !
Peu avant Noël 1978, le leader du monde libre fut terrassé par une terrible crise d'hémorroïdes. La douleur était si vive que le Président Carter dut prendre un jour de repos. Quelques semaines plus tard, le Time Magazine demanda à un proctologue, Michael Freilich, d'expliquer la pathologie du président. « Nous ne sommes pas censés nous asseoir sur des toilettes », avait-il déclaré, «nous sommes censés nous accroupir dans la nature». Et il avait probablement raison.
Michael Freilich n'est pas le premier médecin à suggérer que la position assise, aux toilettes –un phénomène récent lié à l'invention de la chasse d'eau, en 1591– n'est peut-être pas bonne pour la santé. Dans les années 1960 et 1970, l'idée était même plutôt répandue. L'architecte Alexander Kira soutenait ainsi dans son ouvrage de 1966, The Bathroom [les toilettes] que la physiologie humaine était mieux adaptée à la position accroupie. Et selon le manuel de gastroentérologie de Bockus, datant de 1964, « la posture idéale de la défécation est la position accroupie, les cuisses repliées sur l'abdomen ».
Les apôtres contemporains de l'accroupissement font aujourd'hui leurs choux gras de la thèse voulant qu'une posture «plus naturelle» protègerait de toutes sortes de problèmes de santé, de la maladie de Crohn au cancer du côlon. L'inventeur Jonathan Isbit dirige une petite entreprise de commerce en ligne proposant la Nature's Platform [plateforme de la nature] –un dispositif artisanal, coûtant 150$ (118€), qui se met autour des toilettes afin de les faire davantage se rapprocher d'un trou dans la terre. (Et a aussi intégré la citation de Bockus ci-dessus à la page Wikipédia sur la défécation). D'autres entrepreneurs vendent des produits similaires, comme le In-Lieu, le Lillipad, l'adaptateur de toilettes Evaco et, pour ceux qui ne veulent pas justifier la présence d'une plateforme d'accroupissement à leurs invités, il y a aussi ces toilettes japonaises à 688$ (543€) qui laissent les utilisateurs choisir entre plusieurs positions assises ou accroupies, de «l'accroupissement est-asiatique» au «siège reculé» (Vous ne comprenez pas tout? Regardez la video.)
Ce qui pourrait ressembler à un gros tas d'arnaques en ligne s'il n'existait pas aujourd'hui plusieurs preuves empiriques confirmant l'hypothèse d'un effet de votre posture sur votre corps. Les affirmations les plus extrêmes sur l'accroupissement –qu'il protège du cancer, par exemple– restent à vérifier. Mais en ce qui concerne les hémorroïdes –un gonflement douloureux des veines du canal anal, et affectant un américain sur deux -de nouvelles études montrent qu'il serait avisé de retirer vos fesses des toilettes.
Avant de pénétrer les données plus avant, passons en revue les mécanismes qui nous font aller aux toilettes. On peut contrôler sa défécation, jusqu'à un certain point, en contractant ou relâchant le sphincter anal. Mais ce muscle ne maintient pas tout seul la continence. Le corps a aussi besoin d'un virage entre le rectum – ou les fèces se forment – et l'anus – par où les fèces sont expulsées. Debout, l'inclinaison de ce virage, qu'on appelle l'angle ano-rectal, est d'environ 90°, ce qui exerce une pression vers le haut du rectum, et maintien les fèces à l'intérieur. Accroupi, le tournant se virage, comme lorsqu'un tuyau d'arrosage se libère d'un nœud, et la défécation devient plus facile.
Les défenseurs de l'accroupissement soutiennent que les toilettes conventionnelles génèrent un angle ano-rectal mal adapté à la défécation. En s'accroupissant, disent-ils, nous pouvons arriver à une «évacuation complète» du côlon, libérant ainsi nos intestins de toxines nocives pour la santé. Mais il n'y a aucune raison de penser que de s'accroupir rendra la défécation plus complète, ou que la plupart des gens sont malades à cause de leurs côlons. Si l'accroupissement n'a qu'un effet bénéfique sur la santé, exactement comme Michael Freilich l'avait déclaré dans le Time, c'est au niveau de la prévention des hémorroïdes.
Les hémorroïdes peuvent être causées par la grossesse, l'obésité, ou le sexe anal passif. Mais la cause principale vient du fait de pousser pendant les selles. Une telle poussée augmente la pression dans votre abdomen, et fait se gonfler les veines irriguant votre anus. Chez les patients souffrant d'hémorroïdes, ces veines restent gonflées et se mettent parfois à saigner. En théorie, l'accroupissement peut éviter les hémorroïdes en facilitant la défécation, réduisant le besoin de pousser, et diminuant la pression abdominale.
Un médecin israélien, Dov Sikirov, a testé cette hypothèse dans une étude de 2003 publiée dans Digestive Diseases and Sciences [Maladies et Sciences digestives]. Pour ce faire, il demanda à plusieurs douzaines de patients de déféquer dans trois positions différentes: assis sur des toilettes de 40 cm de haut, de 30 cm de haut, ou accroupis au-dessus d'un récipient en plastique. Il demanda à ses sujets de consigner la durée de leurs selles, et de noter l'effort requis sur une échelle de 4 points, allant de «sans effort» à «difficile». Sikirov trouva que, accroupis, ses patients mettaient environ 51 secondes à déféquer, contre 130 assis sur les toilettes les plus hautes. Et, quand ils passaient de la position assise à l'accroupissement, les sujets avaient plus de chances de voir leur expérience se faciliter.
Ensuite, l'an dernier, un groupe de médecins japonais a étendu les découvertes de Sikirov en analysant ce qui se passe à l'intérieur du corps lorsque les individus s'accroupissent ou s'assoient. Pour une étude publiée dans la revue médicale Lower Urinary Tract Symptoms [Symptômes du bas appareil urinaire], six sujets ont rempli leurs rectums d'une solution de contraste et devaient libérer ce fluide soit assis, soit accroupis, tout en étant filmés par une vidéo à rayons X. L'analyse des images montra que l'angle ano-rectal augmentait de 100 à 126 degrés quand les sujets passaient de la position assise à l'accroupissement. Les chercheurs, qui avaient aussi surveillé la pression abdominale, trouvèrent que les sujets étaient moins prompts à pousser une fois accroupis.
Bien sûr, c'est une chose de montrer que l'accroupissement facilite la défécation et réduit le risque d'hémorroïdes. Mais c'en est une autre de réellement arriver à déféquer une fois accroupi. Mais est-ce vraiment si difficile? Pendant le gros de l'histoire humaine – soit plusieurs centaines de millénaires – nous nous sommes accroupis. Aujourd'hui, 1,2 milliard d'individus le font parce qu'ils n'ont tout simplement pas de toilettes à leur disposition, tandis que d'autres, souvent en Asie, au Moyen-Orient ou dans des régions européennes, utilisent des toilettes spécifiquement conçues pour y aller accroupi. Et pendant 28 ans – de sa première année à Yale, en 1970, jusqu'au moment où il conçu son premier prototype de Nature's Platform, en 1998 - Jonathan Isbit s'est «perché», comme il le dit lui-même, les pieds sur les bords du siège des toilettes. J'ai donc décidé de tester cette posture – tous les matins, pendant une semaine, après avoir avalé un bol de corn-flakes et une tasse de café.
A part le risque de basculer en arrière, il n'y a pas trop de danger à s'accroupir sur le siège de toilettes modernes. American Standard comme Kohler disent que des toilettes rivées au sol sont faites pour soutenir un poids allant jusqu'à 500 kg. (Cependant, aucune compagnie ne conseille de s'y percher.) L'American Society for Engineers [Société américaine des ingénieurs] exigent des toilettes murales qu'elles supportent 250 kg . Mais l'accroupissement sur les toilettes ne convient pas à tout le monde. Même en me tenant à un porte-serviettes, la situation me semblait hasardeuse. Un pot de chambre ou un récipient en plastique auraient été plus faciles à utiliser, mais je ne possédais pas le premier, et le second me semblait un peu dégoûtant. Je me suis donc attelé, cette semaine, à pousser mon caillou – ou, plus précisément, rien poussé du tout: les selles semblaient sortir dès que je m'accroupissais. Mon cérémonial de 10 minutes passa à une, deux au pire, et au bout de quelques jours, mes genoux cessèrent de se plaindre.
La semaine a beau être terminée, je vais probablement continuer à m'accroupir. Au minimum, j'aurais gagné une heure dans la
semaine. Ce dont je doute, par contre, c'est que l'accroupissement, même s'il diminue les hémorroïdes, devienne le nouveau truc baba-cool à la mode – à l'instar du jogging pieds nus, ou du
régime de l'homme des cavernes. Les toilettes assises, à court terme, sont plus confortables que les toilettes à la turque que vous pouvez parfois trouver en Europe. En fait, depuis le combat de
Jimmy Carter contre les hémorroïdes, le siège des toilettes n'a pas cessé de gagner en hauteur, poussant l'angle ano-rectal dans la mauvaise direction. Les modèles standards, de 35,5 cm entre le
sol et le bord, doivent aujourd'hui lutter contre des toilettes « hauteur confort » dont la tour s'élève à plus de 43 cm du sol. Les Américains, aujourd'hui plus gras que jamais, ont déjà du mal
à se relever de leurs sièges, alors du ras du sol...
Daniel Lametti
Traduit par Peggy Sastre