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Des humeurs, des images en fonction du quotidien, des événements, des voyages, des lectures ou des scènes de ménage ! Le Olympie world ... !

Histoire en blanc

J'ai présenté cette "nouvelle" pour contribuer au témoignage de soutien du "vivre avec un cancer" pour un concours organisé entre autre par La Ligue Contre le Cancer.



Histoire en blanc

 

 

C’est une histoire somme toute banale.

 

C’était dans la nuit d’un noël comme il y en a eu tant, le soir qui tombe, comme la neige, exceptionnelle pourtant cette année là, noël blanc et les familles qui s’assemblent pour une soirée qui portera la joie du cadeau, ce cadeau consacré parce qu’un enfant un jour est né.

 

C’est le service blanc d’un hôpital de brique revêtu, l’Institut Curie.

 

C’est un service blanc où sont des enfants blancs, ... la maladie les emporte blanc.

 

C’est l’histoire d’un de ces enfants blancs au milieu de tous les soignants blancs.

 

Ballet qui se raréfie en ce soir de Noël, oui ces femmes et hommes en blanc ont droit à profiter de ce noël blanc.

 

C’est Vincent, un enfant blanc, son accent de petit marseillais s’entend dans le couloir, murmure pourtant d’une fatigue qui n’est pas de joie dans cette soirée de noël blanc.

 

Michel parle avec Laure, de Marseille, de Noël, de Vincent.

 

Michel est arrivé là par hasard quelques mois plus tôt venu voir de Bordeaux un jeune voisin. Il a découvert l’inimaginable quant on a 18 ans, que le cancer n’était pas qu’une maladie de « vieux ». Petit voisin sauvé pour un temps retourné vers sa vie d’avant. Premiers pas de bénévole, de témoin, des yeux, des sourires, des regards plus que des paroles. Le temps a passé, Michel est resté, ce noël est arrivé.

 

Laure est une de ces dames en blanc, attentionnée et attentive pour ces enfants – ses enfants ? De jouets, crayons et papiers, elle invente toute l’année, de chambre en chambre, elle invente pour que le temps qui passe amène le jeu, la joie, le rire.

 

Marseille, c’est la ville des parents de Vincent. C’est la ville de l’accent de Vincent. De ses parents Vincent se souvient de la voix du téléphone. Des mois qu’il n’a pas vu sa mère, son père, qu’il pense à son frère, à sa mamie qui, lui a dit son père, est venue vivre avec eux. Son père ne lui a pas dit, mais Vincent a compris que sa mamie occupait depuis sa chambre. Des mois que la promesse de la prochaine visite se heurte aux impossibilités financières. Comment payer le long trajet et l’hôtel à Paris sur le seul salaire du père ouvrier. Mamie pouvait pourtant garder le petit frère, mais finalement, les parents ne viendront pas.

 

Noël promis, nouveau noël pour tous les enfants, noël inespéré pour Vincent, ça se sont les médecins qui l’ont dit à ses parents, c’es t Laure qui l’a dit à Michel.

 

Vincent est arrivé il y a plus de 6 mois, l’évolution de son mal a été rapide. C’est un jeune garçon de 12 ans qui ne se plaignait pas car la vie quotidienne était dure à la maison. Il avait bien mal, mais le père fatigué, sa mère usée trop tôt, lui préférait jouer avec ses copains dans ce quartier ouvrier, dans le vent des hauteurs de la ville. Un jour, le souffle coupé, il n’a pu continuer à ne pas se plaindre, à ne pas pleurer. Des jours, une gifle ou deux pour l’encourager à ne pas être une « chochotte », on est dur dans la famille. Un jour, il est tombé, l’école s’en est mêlée, le médecin a été consulté. Depuis, Vincent est passé de mains en mains, il en a vu des personnes en blanc, subit des examens, il a eu le droit de se plaindre.

 

Paris a été la seule alternative ... les seuls vrais soins ne pouvaient être que là-bas. C’est le médecin de la cité qui l’a accompagné. Le voyage de Vincent, « t’as de la chance » lui a dit son frère, tu vas à Paris ! » avé l’accent.

 

Vincent m’a raconté cette histoire, je souriais quand il mimait son frère envieux, vrai petit gars qui j’imaginais sans mal avec sa bande de copains à crier partout dans la course avec le mistral.

 

Le vent qui tourbillonne emporte la neige, « cé joli » dit Vincent qui dessine sous le regard de Michel. Laure passe la tête avec un sourire, oui Vincent s’occupe en ce soir de Noël. Des cadeaux reçus, il a gardé précieusement ce papier et ces crayons feutres.

 

Le regard, ses grands yeux sur ce visage maigre, va de la fenêtre à la feuille blanche. Quelques traits, des arbres naissent, du marron, du gris, les couleurs n’en sont pas vraiment. Son regard me jauge quand il me montre son dessin parfois, mais non les feuilles vertes ne pousseront pas sur son chef d’œuvre terminé. Un enfant – minuscule  – un paysage blanc, un grand arbre, un soleil tout de même ... si petit et ses longs rayons pâles ...

 

Michel regarde sa montre discrètement, la soirée est avancée, Vincent doit se reposer, les métros pour traverser Paris vers Belleville se feront rares. Michel commence à préparer son départ, il sait que ça ne sera pas facile, avec Vincent c’est toujours un peu long les « au revoir ».

 

Pas ce soir. « Tu dois me promettre de revenir demain matin », dit-il à Michel. Un bisou et un cadeau, Vincent offre son dessin à Michel. Emotions cachées.

 

Michel quitte la chambre à reculons, tout sourire, le cœur n’y est pas. Vincent ne sourit pas, grand yeux las.

 

Laure passe de chambre en chambre, les lumières se ferment, regards échangés sans parole.

 

Michel passe une nuit tranquille, il a pensé à Vincent, ce petit gars qui se bat, qui est tellement exemplaire. De quoi avons-nous le droit de nous plaindre ?

 

10h30. La neige n’a pas tenu, tout est gris dans Paris humide et froid. Le service est calme, trop calme. La chambre de Vincent est vide. Vincent  n’est plus là. Sans doute, il y a des couleurs, ... ailleurs.

 

C’est une histoire somme toute banale, toujours encore des enfants partent du cancer, des soignants et des bénévoles merveilleux sont toujours là, à leur côté, aux côtés des proches, les larmes sont là, toujours. A côté de l’espoir, parfois.

 

 

Alain Olympie

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