Des humeurs, des images en fonction du quotidien, des événements, des voyages, des lectures ou des scènes de ménage ! Le Olympie world ... !
Bukhara va se mériter, huit heures de routes
incertaines à travers un désert brûlant à essayer de doubler des camions géants et surchargés venant des pays de l'Est - surtout d'Ukraine, la plupart en approvisionnement du "pas si lointain"
Afghanistan !
Mon taximan est jovial et ravi de s'essayer dans les quelques mots d'anglais, et moi dans mon ouzbek très primaire, qui finalement va s'enrichir dans cette conversation et égayer - j'ai du mal à le dire - cette immense journée si pénible sous un soleil implacable ... 500 kms en seulement 8 heures, finalement c'est assez rapide avec du recul !
Avec tact, il me signale de temps en temps que le Turkménistan n'est pas loin ... je pense avec une peu d'envie au groupe qui, d'un coup d'avion est arrivé à Ashgabat, la capitale disneyland de cette dictature présidentielle ... Pour l'heure, c'est le sable qui envahit la route, frôlant les poids-lourds mystérieux.
J'apprends que la plupart des voitures fonctionnent au gaz liquide peu cher ici, c'est vrai que les files de voitures nous avaient impressionnées dans la région de Khiva peu approvisionnée en essence et gaz-oil venant de la seule raffinerie de la lointaine Ferghana. La vie est mal faite, de l'autre côté du fleuve terreux Amudaria, le gaz est abondant - et donc côté Turkmène - alors que rien chez le voisin ouzbek !
Je suis attendu avec curiosité chez Nazira &
Azizbek dans le coeur historique de Bukhara. Nazira respire la générosité et la bonhomie, j'ai envie de me lover dans ses bras maternels ... La petite chambre est couverte de tapis, on
se sent presque dans le désert ... avec la clim et la douche bienvenue pour mon corps mis à rude épreuve !
Premier tour de la ville, petite merveille que je vais arpenter durant 6 jours, et que je trouve toutefois miniscule environnant la Liab-I-Khaouz, jolie place bordée de
mûriers autour d'un bassin où les oies et les touristes rivalisent de tintamarre ! Pas très loin, un même bassin plus confidentiel sert de plongeoir à des groupes de garçons badins ... le soleil
est encore brûlant à 18h et je les envie un peu ! L'eau est ici plus abondante, et la ville est bien alimentée par le fleuve voisin, même si l'on soupçonne une économie nécessaire. C'est d'ailleurs toujours étonnant de remarquer le temps
d'évaporation d'une petite mare malgré la température ambiante ... elle résiste avec brio sous les assauts du soleil !
Au hasard d'une grande rue, un peu perdue dans des quartiers excentrés, je découvre les quatre minarets d'une minuscule mosquée qui abrite un magasin rassemblant une bonne partie des mêmes objets que je verrais partout dans la ville. Ici pourtant, l'exiguité du lieu transporte en d'autre temps, imaginant la cellule d'un caravansérail ... La souriante marchande me propose de grimper sur le toit, ce qui me ravit, découvrant au passage que ce petit bâtiment recèle une immensité de pièces très agréables remplies de beaux objets surgis du passé ... Premier plaisir des sens de cette dure première journée ... dans cette ville que je vais apprendre désormais à aimer, oui vraiment !
Les petits commerces sont légions ici, cloîtrés dans les cellules des médersas, voire des mosquées désaffectées ... c'est à ce prix l'on imagine que les sublimes bâtiments survivent, mobilisant les touristes dans les restaurations de ce patrimoine, vestige des temps dorés de la Route de la Soie. Il y aura de quoi regarder au moins !
Mon premier repas sur les toits permet d'embraser la ville au soleil couchant ... nostalgique, j'écris, je pense ... je regarde les couleurs se sauver devant la nuit salutaire, la fraîcheur - relative - arrive enfin ... avec les hordes d'italiens et d'espagnols qui ont envahis la moindre place des restaurants à brochettes géantes qui ont magiquement surgis de toutes parts !
Les caravaniers d'antan rêvaient de leur séjour à Bukhara, je suis peu à peu solidaire de cette impression de majesté que dégage la ville, pourtant sans rapport avec celle découverte sur les photos du début du siècle. Les russes puis les soviétiques ont ici encore restauré cette capitale régionale, lointain souvenir du dernier Khan - amateur de belles soiries et soirées aux femmes langoureuses qu'il collectionnait dans ses palais et forteresses ...
Bien sur, il ne fallait pas trop se frotter au "patron" ni à ses sbires, car l'on était facilement, au mieux, jeté du grand minaret, au pire, dans une fosse obscure, à servir de
menu pendant des mois à diverses bestioles affamées - ce qui ne vous empêchait pas d'être décapité à la fin ! L'accueil est tout de même plus sympathique aujourd'hui !
Le clou de ma deuxième journée va être la vieille madrasa (ou médersa, ou médresé : école coranique) abandonnée que je vais explorer durant des heures ... jusqu'au toit brûlant qui donne sur des parcs
insoupçonnés. Les cellules des étudiants sont presque en bon état et l'on imagine alors la vie ici, avec quelques graphitis montrant que la paix de l'islam est préférée au terrorisme ! Les
quartiers des professeurs révèlent des dômes impressionnants et des hauts reliefs d'arabesques raffinées ... impressionnant ! La profusion de ces lieux dans la vieille ville explique leur
abandon en plus de la facilité de construire du neuf dans la ville contemporaine à deux pas, tant il y a de l'espace partout ! Les maisons serrées des quartiers populaires
historiques ne représentent qu'une infime partie de la ville ! J'imagine m'installer dans le silence de ces lieux empreints de sagesse ...
Le change des euros en soums, la monnaie ouzbèque, est un chemin de croix si vous voulez respecter la loi qui semble réellement souhaiter que vous passiez par une banque ... Première difficulté, trouver une banque, puis un établissement qui accepte le change, puis qui a assez d'argent pour vous changer vos 50 à 100€, puis qui a un cours officiel respectable ... en bref, le guichetier vous dira qu'il vaut mieux le changer au noir auprès des marchands de la rue d'à-côté ... Une heure de salamalek contre 5 mn, où l'on vous sortira des liasses entières d'un vieux sac d'un improblable placard centenaire ... et 30% de plus que le change proposé à la banque (soit 2495 s pour 1 euro contre 3350 "au noir"). En vous rappelant que le billet le plus fort est de 1000 s, vous vous retrouvez avec 335 billets à recompter pour 100€ changés ... sans compter le volume ... ici le porte-monnaie s'appelle un sac-à-dos !
Autre surprise, la visite du guide S. quitté à la frontière turkmène ... il est originaire de la région et l'agence l'a informé de mes mésaventures. Au bout de 2 heures de rigolades nous partons en taxi dans la proche banlieue pour une orgie de brochettes arrosées de vodka. Il faut remarquer qu'en pleine période de ramadan, l'on n'attend pas le coucher de soleil pour se baffrer, et puis, que l'alcool est très apprécié ici le soir, histoire sans doute, de garder sur table la même température qu'en journée en plein soleil ! La vodka titre 43° ... L'on parle mariage, à 28 ans, S. est un peu obligé de se marier, et la période semble indiquée, les fruits sont abondants, on peut régaler le plus grand nombre à un prix raisonnable ... La future épousée, soeur d'un meilleur ami, a été approchée dans ce but ... les mariages ici sont encore arrangés par les parents ... pas d'autres choix que de suivre les conseils avisés au vu des qualités de chacun des mariés ... et bien sur de la notoriété des familles !
Cette soirée "terrible" en tête à tête sera un souvenir mémorable - pas de mal de crâne, étonnant ! Je rentre un peu confus et mon estomac presque rempli à exploser, le moindre espace restant étant lié par une glace difficilement dégustée chez un ami de S. qui, comme la plupart des ousbeks, a monté son petit commerce exercé après son travail à l'hôpital !
Le réveil est toutefois difficile, et les théières
avalées vont alourdir le pas ... journée de magazinage, je fais aujourd'hui le repérage dans les galeries qui sont nombreuses ici. Le talent certain de tous ces jeunes sous la coupe d'un maître -
souvent en voyage à l'étranger, l'artisanat ouzbek est reconnu - se limite hélas au recopiage de ce que l'on s'imagine en souvenir typique pour le tourisme. Les caravanes de la Route de
la Soie, les vielles figures ouzbèques, la flore et la faune, représentent 90% des motifs qui se ressemblent trop pour attirer mon regard. De temps en temps, des aquarelles originales peuvent
surgir toutefois, et quelques photographes du pays s'essayent à des scènes plus originales ... il faut fouiller magasin par magasin, et trouver le coup de coeur !
Les objets restant de l'Union soviétique sont fréquents. Mon premier achat sera un Lénine (le seul vu dans la ville) en biscuit blanc ... des médailles, des tableaux, des uniformes, des statues symboles de la force ouvrière et des valeurs véhiculées par l'URSS m'enchantent ...
La TV propose quelques chaînes (comme le journal quelques titres) qui sont toutes insipides ... musiques traditionnelles - la musique c'est pour se calmer et rêver pas pour être agressif -, montrent la beauté du pays et des ses réalisations, et relayent bien sûr le moindre discours récité du Président ... c'est lent et fadasse, même pour faire la sieste ! Quand il y a le câble, c'est du pur russe ou au mieux une mauvaise réception de CNN ... la France "se vend bien" dans les médias du monde ! Du coup, je commence "Les onze" de Pierre Michon.
Ce quatrième jour, je fais connaissance avec le
nouveau guide Azamat et sa jolie stagiaire Anora qui vont partir chercher le groupe à la frontère. La confiture de rose me surprend avec bonheur, autant que ce contact amical de bon matin. Je
profite de cette dernière journée en solitaire pour traîner dans la ville soviétique, aperçue en arrivant. Les grands hôtels rigides, les quartiers administratifs sévères, l'immense stade et les
larges avenues arborées créent une certaine élégance. Il y a partout un espace incroyable, pris sur le sable, arrangé pour laisser l'air, le soleil, la neige, s'exprimer au grè des saisons. L'on
imagine pourtant la vie dans ce béton d'apparence !
Je retrouve le groupe pour le thé qu'a installé Aziza à ma demande avec force fruits rafraîchissant, car j'imagine aussi que la route a été longue; venus de Mary, cité mythique dans le désert turkmène que je n'aurais pas vu (j'ai été faire un tour sur internet, ça ne m'a pas emballé tant que ça !). La joie des retrouvailles fait chaud au coeur, ils me racontent la froideur des turkmènes et la température extrême, la guide "petit chef" et mille aventures qui me font presque envier d'être resté !
Nous (re)partons pour une visite de la ville mais à 12 cette fois ... moi pressé de leur faire découvrir les passages inconnus des autres touristes menés en ligne droite par leurs guides. "on" va désormais à l'essentiel ... et Bukhara me paraît tout d'un coup tellement différente ! Jusqu'à la réaction de vendeurs vus les jours précédents qui ont désormais des vélléités plus financières ...
Les deux jours de visites "officielles" passent trop vite dans tous les sens du terme ... pas le temps de flâner, les trajets - même ceux faits quelques jours plus tôt à pied - sont désormais raccourcis par l'immense bus climatisé ... le fort, les mosquées, le palais d'été, le mausolée des environs, il faut tout "timer", écouter, piétiner ... les prix s'envolent, les restaurants se succèdent, les apéros sont les bons moments ... Quelques belles images : la salle de sport à côté de l'hôtel (les jeunes sont ici très sportifs et soucieux de leur image longiligne !), l'anniversaire au gâteau jalousé dans ce restaurant à buffet géant, la synagogue encore entretenue où est même passée Hilary Clinton ... cette ville est un trésor qu'il me peine de quitter. Demain, la route reprendra.