Des humeurs, des images en fonction du quotidien, des événements, des voyages, des lectures ou des scènes de ménage ! Le Olympie world ... !
Les lieux de pèlerinage sont foison en Ouzbékistan, celui de l'Imam Boukhari est une pure merveille ! Chassé de Boukhara par le khan exigeant sa servilité, il n'a pu trouver refuge que dans un village près de Samarkand ... Ce grand religieux a décrypté à travers "le monde" la vraie parole de Mahomet rassemblant des milliers de hadids qui font autorités encore de nos jours chez les Sunnites. Le pèlerinage ici équivaut à La Mecque, c'est dire l'importance de ce lieu devenu "saint" et qui cumule une collection de corans offerts par les grands de ce monde - musulmans mais pas seulement - passés ici au fil du temps. Le tombeau est remarquable de beauté, ciselé, comme l'est un texte de présentation lu par ailleurs et qui assoit la légende :
"Il est trois heures du matin. Des myriades d’étoiles scintillent dans le
firmament. Un lourd Silence plane sur la grande Cité de Bukhara. Toute la création d’Allah sommeille. Cependant l’épouse d’Ismaël, qui est un riche commerçant, prie. Comme à l’accoutumée, elle vient juste de terminer la lecture du Saint Coran en deux rakats et ses mains levées vers le ciel implorent la
faveur du Tout Puissant pour que son fils, frappé de cécité, qui dort à son côté, recouvre la vue. Les larmes ruissellent sur ses joues et elle prononce ces mots : «O Allah I Si vous rendez
la vue à mon enfant, le m’engage solennellement à l’initier dans votre voie et à lut apprendre le Saint Coran et les traditions (Hadiths) par cœur et il les enseignera aux autres.». Le jour
suivant, le Tout-Puissant exauça les prières de l’épouse d’Ismaël et l’enfant recouvra la vue. Tout te monde parla du miracle du Saint Coran et bon nombre d’incroyants se convertirent à l’Islam.
Quand cet enfant de 4 ans devint adulte, il maîtrisa les traditions et il fut le maître des «Mohaddiçînes» (Ceux qui enseignent les traditions). Il se nommait Mohammad Bin Ismaël
Bukhari.
Vous l’aurez compris, nous sommes sous le « charme » du
lieu qui a rassemblé toute l’harmonie artistique
des meilleurs artisans de l’Asie centrale ! Et les trois coupoles vertes de la mosquée d’hiver en rajoutent dans le souvenir intense que l’on veut garder de ces lieux.
Les 45° affichés ne nous font pas trembler, en route pour la merveille du monde annoncée … la divine Samarkand, encore louée de nos jours par Amin Maalouf qui nous a fait rêver à travers l’histoire d’Omar Kayyan, le poète perse déjà rencontré sur mes chemins iraniens (l’ouvrage à lire : Samarcane).
Comment dire, après des jours bénis à Boukhara, la découverte de Samarkand laisse sur sa faim … et ce n’est pas les grandes routes taillées entre les collines qui composent la ville, les immeubles contestables de l’ère soviétique ou le récent marché central qui en rajoutent … Il faut bien se raccrocher à l’excitation d’E., qui est déjà venu il y a 15 ans, et tenter de voir au loin, alors que le bus essaye d’avancer dans les embouteillages, les minarets et autres coupoles qui arrivent à se distinguer, là-bas au loin, dans le ciel bleu embué par la pollution.
Le Caravansérail, notre joli hôtel va nous abriter de la chaleur et nous
permettre de souffler avant l’assaut programmé des splendeurs de la ville. La mosquée de Bébé Khanoum voisine est en effet « à la hauteur » (comme le prix d’entrée d’ailleurs !),
un peu délabrée et maquillée de céramiques, elle exprime tout l’amour de l’empereur pour sa compagne qui, gardienne des travaux et pour terminer l’édifice avant le retour de conquêtes de son
« cher et tendre », n’hésita pas à coucher avec l’architecte … S’ensuivit l’histoire qu’on imagine … mais ce n’est pas la colère, mais les tremblements de terre qui ont de nos jours un
peu réduit les splendeurs passées. Un lutrin nous impressionne, on pouvait y lire le coran géant à des centaines de mètres, et de nos jours encore, passer dessous porte bonheur et fertilité aux
jeunes épousées, c’est dire. Nous n’en verrons pas plus en ce premier jour, décide le guide qui préfère nous amener voir des tapis locaux, certes brillants de soieries aguichantes, mais que je
quitte rapidement pour marcher seul dans la ville.
Tout n’est pas si éloigné ici. Du fait de la température, les guides chouchoutent les touristes en les transportant dans des bus réfrigérés … faisant des énormes détours dans la ville en travaux pour le célèbre festival folklorique qui aura lieu dans quelques semaines … la ville doit être nickel pour accueillir le monde asiatique (et même quelques groupes occidentaux). Tout est trop « poli » à mon goût … trop modernisé pour le tourisme, et même pour les locaux un peu perdus dans l’immense marché moderne … Ici et là, on a bien dégagé les édifices remarquables, mais qui, pour le coup, sont isolés des quartiers populaires et laissent un goût de mise en scène ratée. J’y reviendrais.
La soirée nous amène dans la Samarkand moderne, des immenses
restaurants accueillent à coup de décibels des hordes de populations agglutinées devant des montagnes de brochettes et force bouteilles de vodka bien sûr ! Nous avons du mal à avaler le bon
repas loin d’une intimité que nous aurions souhaité dans nos « mille et une nuits » annoncées !
L’organisation est sévère, toujours pas de découverte des merveilles en ce deuxième jour, tout consacré à la ville de naissance – Kesh - de Tamerlan, ou Timour, qui au 15ème siècle a bâti un formidable empire … Enfin, en fait de bâtir, c’est surtout sa grandiose capitale, car il a plutôt démoli toutes les plus belles villes de l’époque et divisés les peuples pour des siècles de guerre en conséquence (sa femme descendait de Gengis Khan, c’est peut être une explication ?). Pour l’heure, sa ville natale nous enchante malgré l’éloignement (on frôle l’Afghanistan, car nous prenons la route de Kaboul, c’est de l’aventure !). Les tombeaux de son fils préféré, de personnalités de sa descendance, constituent autant d’édifices et de mosquées aux magnifiques céramiques. Cela dit, le marché local nous ravira tout autant dans son indescriptible bazar.
Les ruines du palais – il ne reste que le portail d’entrée – derrière la statue géante de Tamerlan, nous font rêver sur la grandeur passée du lieu. Un mariage illustre la grande place bétonnée qui se veut moderne avec force fontaines en panne … L’épousée est aussi triste que celle de Monaco !
Au retour, la campagne autour a des airs d’Afrique, partout, maisons de terre et ombres entre-aperçues des habitants, nous désorientent agréablement.
Voilà, au troisième jour, nous allons enfin découvrir Samarkand. Le marché moderne est en pleine activité, et la curiosité timide ambiante est charmante. Ici, l’on a plus l’habitude du touriste et les marchands sont moins démonstratifs. Je n’aurais pas droit à la merveilleuse figue jaune sans la payer ! Un petit côté triste cependant – trop propre ? – mais levé par le marchandage d’une nappe pour M. avec une bohémienne aux dents d’or tout sourire. Le jeu imposé par le moindre achat – partout dans le monde hors occidental, que nous détestons d’habitude - est ici agréable, car les ouzbèques ont ceci de différence, la gentillesse et le plaisir à vous accueillir dans leur pays … et pas seulement l’argent à vous soutirer (nous les riches).
L’observatoire d’Ouloug Bek est impressionnant, car il y a plus de 600 ans, l’on
rêvait déjà ici de connaissance – de conquêtes ? – de ces petits points lumineux appelées étoiles … Le petit musée flambant neuf nous amène dans ce monde très architectural des
astronomes : ils ont imaginés des constructions incompréhensibles pour comprendre et maîtriser l’immaîtrisable de l’infini …
Enfin, la découverte du Registan – imaginez une place avec trois
« Notre-Dame de Paris » face-à-face ! Trois médersas (écoles coraniques) qui rivalisent de céramiques rutilantes. Le tout est en constante réparation surtout un minaret genre tour
de Pise … La place centrale qui servait pour les exécutions publiques accueille une scène pour le prochain festival mais loin de gâcher l’ambiance en rajoute – je trouve – dans la mise en scène
touristique, et ce n’est pas s’en me déplaire. Les marchands sont installés partout, y compris dans la somptueuse moquée toute d’or ! Je préfère sauter le repas et profiter de cette heure
calme pour me poser dans les vastes cours redevenues tranquilles. Un marchand gouailleur va nous interpeller – avec deux japonaises égarées – et nous
entraîner dans son capharnaüm aux prix incroyables -et aux robes de soie à 10€ à faire jalouser Christian Lacroix -, racontant l’histoire de chaque objet en cinq langues, doutant de ma
nationalité (italien –ici comme ailleurs on me prend souvent pour-, anglais, espagnol, français et russe …) en plus du japonais de ces dames. C’est le meilleur souvenir du Registan que je
garderais, ce formidable marchand dans son échoppe d’Ali Baba !
Le tombeau de Tamerlan est à la hauteur –dans tous les sens du terme- de la magnificence du personnage. Le lieu inspire le respect, et le mât à queue de cheval d’un saint que l’empereur a choisi de côtoyer pour l’éternité, ramène un touche d’humilité autant que celle de l’emplacement de la tombe, à l’abri de celle, plus grande - de son maître spirituel.
Comment ne pas s’endormir en rêvant des décors bleus et verts … entendre les cris étonnés des inaugurations mêlés à ceux des invasions sanglantes …
Ce dernier jour dans la ville sera en apothéose. La série de tombeaux,
entraperçus jusqu’alors, nous réserve un « plaisir des yeux » inimaginable. Autour de la montée centrale vers la mosquée abritant un cousin du Prophète, les mausolées rivalisent
contrastant avec la modestie terne de la tombe de l’occupant. C’est encore un lieu de pèlerinage, pensez-vous, le cousin du Prophète, Kassim, y a été décapité alors qu’il était en prière. Il a
alors pris sa tête avant de descendre dans un puit – où il serait encore … - Même les mongols n’ont pas osé démolir le lieu, ruinant le restant de la ville ! Les turquoises rivalisent ici,
et le cimetière moderne qui envahit les collines alentours en rajoutent dans l’empreinte religieuse voire spirituelle.
La ville « moderne » et ce qu’il reste des bâtiments
historiques millénaires côtoient une immense zone abandonnée appelée Afrosyab, la ville antique dont il ne reste rien et sur lequel se dresse un musée moderne abritant les sublimes fresques
narratives trouvées ici (scènes de la vie quotidienne et batailles de l’Empereur) et tous les objets que les rares archéologues occidentaux ont pu trouver dans les fouilles parcellaires (on imagine ce qu’il reste à découvrir sous les
tonnes de terre des km² restant !). Des urnes funéraires étonnantes mais surtout un piège à souris attisent nos regards dans ce musée déserté des touristes (que des français curieux !).
Nous bravons la chaleur pour aller à pied jusqu’au tombeau du prophète Daniel. C’est la curiosité locale, imaginez le squelette qui grandit encore de quelques centimètres par année – on en est à
18 mètres ! Le lieu, très calme, est très frais du fait de la rivière locale et des nombreux arbres … on y sommeillerait presque.
Demain, nous retournerons à Paris. La soirée dans le même restaurant va nous laisser un gentil souvenir, tant par les brochettes de cailles, les petits oiseaux grillés, que celles dansantes aux jolies robes blanches ultra-moulantes. La magie de l’Ouzbékistan est bien là provoquant quelques dernières suées pour éliminet les méfaits de l'huile de coton (c'est bien là la seule critique de la gastronomie limitée ... cette huile indigeste).
Vous l’avez compris, il faut découvrir l’Ouzbékistan et surtout ses habitants, ne pas s’arrêter au régime présidentiel détestable (mais nous français pouvons balayer devant notre porte) … ce sont tous ces moments uniques que vous ne trouverez que rarement dans vos autres voyages (en Iran et au Vietnam pour moi). Bon, c’est vrai que le mois d’août n’est pas le meilleur, mais finalement les touristes y sont moins nombreux, et il faut se rappeler que 45°, c’est juste la teneur en alcool de la vodka !
C'est le petit temps de la nuit qui s'annonce, un dernier verre, une dernière chicha, à palabrer sur la terrasse, quelques derniers mots d'ouzbek, ... et rêver.